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Vient de paraître L’universalité du racisme de Jean-Loup Amselle aux éditions Lignes

Le 1er février 2020 à 14h18

Vient de paraître L’universalité du racisme de Jean-Loup Amselle aux éditions Lignes, 2020, 128 p. ISBN : 978-2-35526-197-8 Prix : 12,90 €.

"Universel, le racisme l’est, tel que Jean-Loup Amselle l’interprète et l’analyse dans ce livre. Moins ancien qu’on ne le pense et plus partagé qu’on ne le croit. Partout le même, c’est-à-dire ne souffrant pas les différences de nature dont on voudrait l’affubler (à ce titre, affirme-t-il, l’antisémitisme est un racisme parmi les autres). Parce que la matrice en est la même, que l’Europe colonisatrice a mis à l’essai en Afrique (où il sévit sans faillir) avant de le répandre dans toute l’Europe.
L’idée qui réunit les deux textes présentés dans ce livre est celle de la contemporanéité fondamentale des racismes de toute sorte, quelle que soit la latitude sous laquelle ils se manifestent. Qu’il s’agisse de l’Occident, de la France ou du Mali, le racisme ou les racismes ne sont pas des phénomènes anciennement apparus dans l’histoire de l’humanité mais, tout au contraire, des événements relativement récents. Qu’il s’agisse du racisme antisémite ou du racisme injustement nommé « intercommunautaire » qui existe actuellement au Mali et qui se traduit par des exactions croisées commises à l’encontre des Peuls et des Dogons de ce pays, loin de voir dans ces désastres humanitaires le résultat de violences venues du fond des âges, il faut au contraire les interpréter comme procédant dans les deux cas de l’anthropologie physique appliquée aussi bien aux Juifs qu’aux Arabes, aux Roms qu’aux Africains.
Le triptyque : anthropologie physique, raciologie et colonisation semble donc bien être le socle commun tant de l’extermination des juifs d’Europe que des Tutsis du Rwanda. Il n’existe pas une « sauvagerie » qui serait à l’origine de l’un et pas de l’autre puisque le génocide opéré par les Nazis à l’encontre des juifs, des Tziganes, des homosexuels et des malades mentaux a nécessité un banc d’essai africain avant d’être mis en œuvre en Allemagne ainsi que l’avait bien vu Hannah Arendt. En ce sens, il n’existe, comme j’essaie de le montrer dans ce livre, aucune exceptionnalité de l’antisémitisme puisque cette forme de racisme ne fait qu’une avec d’autres formes de discrimination et d’élimination de masse. La pulsion raciste, qui trouve dans le génocide son apogée, peut s’appliquer à n’importe quel objet : ethnie, culture, religion ou fraction d’un même peuple. Toute élimination de masse peut, d’une certaine façon, être assimilée à un génocide puisqu’elle suppose de constituer une fraction du peuple en une race étrangère qu’il convient de supprimer. Le racisme moderne n’a rien à voir avec le racisme ancien même si la confusion est entretenue par la présence du mot « race » à des époques reculées dans une acception différente de celle qu’il a aujourd’hui. Pour que la race acquière le sens qu’il a aujourd’hui, il faut l’apparition d’une approche « scientifique », d’une théorie de la mesure qui s’applique aux corps qu’il s’agit de classer et de distinguer. Appliquer aux corps la mesure permet de ranger avec certitude, du moins pour ceux qui souscrivent à cette idée, les différents groupes humains dans des cases « jaune », « noire », « blanche » ou « rouge » et de différencier les races dites autochtones des races dites conquérantes.
Racisme européen et racisme africain ont donc une matrice commune, ce qui implique d’évaluer la responsabilité de l’Europe dans les conflits ethniques et génocides africains, indépendamment de la responsabilité directe de la France dans la survenue du génocide rwandais.
Le racisme, les racismes ne se divisent pas car ils procèdent d’un même principe. De même qu’il faut se dresser contre le racisme anti-gitan de Macron, de même faut-il s’opposer aux projections ethniques fallacieuses opérées par les militaires et les politologues français sur les réalités africaines. La suppression des clichés racistes en Afrique et en Europe fait partie du même combat."

Jean-Loup Amselle est anthropologue. Il est directeur d’études émérite à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a été le rédacteur en chef des Cahiers d’études africaines (1987-2015). Il est, entre autres et pour ces seules dernières années, l’auteur de Le Musée exposé (2016), Les Nouveaux rouges-bruns (2014), Psychotropiques. La fièvre de l’Ayahuasca, Albin-Michel (2013) ; L’Anthropologue et la politique, Lignes, 2012 ; L’Ethnicisation de la France, Lignes (2011) ; Rétrovolutions, Stock, 2010 ; L’Occident décroché, Stock, 2008, 2e édition, Fayard/Pluriel, 2008 ; Branchements, Flammarion, (2001), 2e édition, 2005 ; Vers un multiculturalisme français, Flammarion, (1996), 3e édition 2010. L’universalité du racisme est son cinquième livre chez Lignes. Il est membre du Comité de la revue Lignes.

Nous tenons à remercier chaleureusement et à féliciter Jean-Loup Amselle pour la publication de ce nouvel ouvrage !