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Appel à communication pour le Colloque international "La nationalité en guerre 1789-1991" (Musée de l’Histoire de l’Immigration et les Archives nationales)

Le 18 mars 2015 à 22h46

Appel à communication
Colloque international
La nationalité en guerre 1789-1991

3 et 4 décembre 2015
Paris/Pierrefitte-sur-Seine


Date limite d’envoi des propositions de communications : 7 avril 2015


Appel à communication pour le Colloque universitaire international
 organisé en partenariat avec 
l’établissement public du Palais de la Porte dorée-Musée de l’Histoire de l’Immigration et les Archives nationales les 3 et 4 décembre prochains sur le thème : "La nationalité en guerre 1789-1991".

Thème : étudier les interactions multiformes entre la guerre et la nationalité à l’époque contemporaine
Disciplines : histoire, sociologie, droit, politologie
Langues : français, anglais

Date limite d’envoi des propositions de communications : 7 avril 2015 (textes de 2000 signes maximum, joindre un court CV et une liste des publications-1page)

Adresse d’envoi : natenguerre@gmail.com

Appel à communication :
"La guerre, temps de confrontation avec l’extérieur et simultanément de remise en ordre intérieur, est un moment critique de reconfiguration des formes d’inclusion et d’exclusion sociale et nationale : la nationalité des individus y devient donc un enjeu crucial. Elle prend, en situation de conflit, un sens nouveau, se chargeant de dimensions nouvelles théoriques, juridiques et pratiques. Les sorties de guerre entraînent également des modifications de frontières induisant l’arrivée ou le départ de populations et les questions de nationalité font partie intégrante des traités de paix. Hors des périodes de conflit, la guerre imprime sa marque sur les réflexions, les représentations et les définitions de la nationalité : qu’il s’agisse de dynamiser la démographie ou de traquer les éventuels « mauvais nationaux » ou ennemis intérieurs, ou de définir la loyauté ou la dignité nationale, l’épisode guerrier laisse toujours planer son ombre. Lors de ce colloque il s’agira d’aborder dans toutes ces dimensions la question des relations entre guerres et nationalité lors de la période contemporaine (1789- 1991). Trois temps peuvent y être distingués."

 1. Révolutions, guerres et nationalités (1789-années 1880)
Entre 1750 et 1890, les liens entre guerres et nationalité paraissent se décliner sous d’infinies variations, invitant à explorer de nouveau un XIXe siècle trop souvent négligé.
La fin du XVIIIe siècle constitue un moment de reformulation culturelle et politique de l’idée nationale (E. Hobsbawm, A-M Thiesse). La nationalité y acquiert une nouvelle signification, mise à l’épreuve des différentes guerres du XIXe siècle. La Révolution française peut être prise comme point de départ, l’épisode de Valmy, et sa mémoire, symbolisant à merveille la manière dont la guerre vient cristalliser une identité nationale latente, et celle dont ce ferment national peut, réciproquement, constituer un puissant levier de mobilisation des troupes.
La guerre peut ainsi être un des vecteurs de diffusion du sentiment national, par imitation ou par rejet, comme dans le cas des guerres napoléoniennes. La volonté nationalitaire, ie celle de fonder une population comme nation sur un territoire donné, peut en retour être à l’origine de conflits, qu’il s’agisse de conflits venus de ce territoire même (l’Irlande, les guerres de libérations italiennes) ou d’une construction à distance (la Grèce).
Au-delà du cadre européen, bien des guerres drainent des volontaires internationaux venus défendre aux quatre coins du monde une idée de la nation associée au thème de la Liberté : c’est le cas, notamment, de la guerre de Sécession américaine, ou, sans doute, de nombreux conflits d’Amérique du Sud. La question se pose aussi avec les terrains coloniaux, où les exploits guerriers européens, du moins sont-ils présentés comme tels, nourrissent les imaginaires nationaux. Le nationalisme ne prend enfin pas racine uniquement en Europe : ainsi de l’Inde, de la Chine ou du Japon dans les années 1860, en réaction aux percées des puissances européennes, qui provoquent en retour l’indifférence ou les interrogations des puissances coloniales. Dès lors, quelles sont les conséquences de ces épisodes guerriers sur les théories, les conceptions et les pratiques de la nationalité ?
L’exploration de ce moment parait décisive : examiner les relations entre guerres et nationalité permet de relire un certain nombre de discussions historiographiques quant à ces conflits : quel fut le rôle de la guerre franco-prussienne de 1870 dans la cristallisation, commune ou clivée, d’une identité nationale en France ? Comment sont définies les nationalités dans les empires multinationaux ?

 2. Redéfinir les frontières de la nationalité (années 1880-1945)
La notion d’identification nationale s’impose comme un concept politique clé dans le dernier tiers du XIXe siècle, moment crucial de la « nationalisation des sociétés » (Noiriel, 1991). S’il n’est pas question ici de revenir sur la généalogie de ce processus, il faut rappeler combien la nationalité devient alors efficiente pour caractériser les populations et leurs droits (Rosental, 2011) : inclure ou exclure de la nationalité, inclure ou exclure de la citoyenneté, la question est consubstantielle de l’histoire des États-nations. La massification des flux migratoires puis l’apparition d’une gestion étatique de la migration viennent modifier la donne. La nationalité, privilège de l’exercice de la souveraineté étatique joue sur les registres politiques mais également sentimentaux et familiaux de la dignité, l’allégeance et la fidélité. Pour les territoires et les populations colonisés, le droit colonial articule de manière très étroite mais aussi à géométrie variable les catégories de la nationalité, de la loyauté et du milieu social pour inclure et exclure de la citoyenneté. Dans leur diversité, ces conceptions sont toutes mises à l’épreuve des deux conflits mondiaux. La guerre modifie les termes du contrat, et de constat d’allégeance décrété par l’État, la nationalité tend à être jugée à l’aune des intentions d’adhésion de la personne à la communauté nationale. Le contexte belliqueux légitime en outre le durcissement des législations. Ainsi, la loi française du 7 avril 1915 permet la révision de toutes les naturalisations de sujets ressortissants des puissances ennemies. Il s’agit de suspendre la situation, jugée alors intolérable, d’individus porteurs de fait des deux nationalités française et allemande, mais elle vise également les naturalisés qui ont porté les armes contre la France, fait leur service militaire à l’étranger, ou tenté de prêter une aide quelconque à une puissance ennemie. Cet exemple est suivi en 1918-1919 par d’autres pays européens (Belgique, Italie). La sortie de la Première Guerre mondiale, avec la disparition des empires multinationaux et la formation de nouveaux États, soucieux de consolidation territoriale et politique, est un moment crucial de définition et redéfinition de la nationalité, où interviennent inextricablement des critères juridiques, des estimations de loyauté, voire des enjeux de répartition et de redistribution de la propriété foncière, comme en Tchécoslovaquie ou en Pologne (Gosewinkel et Meyer, 2009 ; Gosewinkel et Spurný, 2014).
Pour revenir à l’exemple français, entre septembre 1939 et décembre 1940, huit textes législatifs relatifs aux déchéances et aux dénaturalisations sont édictés, dont la loi du 22 juillet 1940 qui permet de revoir toutes les naturalisations accordées depuis 1927 (Weil, 2002). Quels sont les registres de justifications de ces législations ? Comment sont-elles mises en pratique ? Que deviennent les dénaturalisés ?
En outre, à la faveur des guerres, les représentations de l’autre évoluent, et la représentation de l’ennemi se pare, selon les moments, de différents visages sur lesquels nous aimerions revenir : ennemi extérieur, comme les ressortissants des puissances ennemies, mais également ennemis intérieurs ou individus jugés indignes d’être nationaux (Simonin, 2008). Dans le cas des États totalitaires, la politique de dénaturalisation apparait comme l’un des moyens de définir les contours du « bon citoyen » comme d’exclure ses opposants. La défaite de juin 1940 et l’avènement de la politique de collaboration conduit ainsi à une définition spécifique des nouveaux ennemis de l’État français. Comment analyser ces politiques ? Sur quelles conceptions se fondent-elles ? Les lectures comparatistes et croisées seront appréciées afin de rendre compte des circulations transnationales des législations et des pratiques.

 3. La nationalité entre guerre froide et décolonisation (1945-1991)
Après la Seconde Guerre mondiale, le rapport entre guerre et nationalité prend d’abord sa signification à travers le sort réservé aux réfugiés et apatrides, ainsi qu’à à toutes les populations déplacées lors du conflit ou directement touchées par les réagencements géopolitiques. S’ouvre alors une période de transition qui court jusqu’à l’adoption de la Convention de Genève qu’on pourrait interpréter comme le produit des expériences accumulées pendant et après les deux guerres mondiales (Noiriel, 1991). Comment la guerre pèse-t-elle dans les institutions mises en place pour résoudre le « problème des nationalités » ? Joue-t-elle un rôle dans les représentations des acteurs qui sont à la manœuvre et des populations concernées ?
En outre, l’immédiat après-guerre est un moment charnière de redéfinition de l’identité nationale. En France, l’adoption de l’ordonnance du 19 octobre 1945 valant Code de la nationalité doit beaucoup à des acteurs de la Résistance qui entendent prendre le contre-pied de la politique menée par Vichy (Weil, 2002). Ces ruptures juridiques entraînent-elles une modification des pratiques de la nationalité ? Comment la guerre influence-t-elle les conditions d’application de la nouvelle législation ? La catégorie de loyalisme joue-t-elle un nouveau rôle ? Plus généralement, de quelles façons la Seconde Guerre mondiale contribue-t-elle à reformuler la signification du critère de la nationalité ?
Les guerres coloniales constituent également des moments de crise à l’occasion desquels se redéfinissent les relations à la nationalité. Le cas algérien est désormais largement documenté, mais les conséquences du conflit sur les conditions d’accès à la nationalité font l’objet de travaux encore trop rares et qui constitueraient une pièce cruciale dans ce colloque. La phase transitoire au cours de laquelle les Algériens peuvent à tout moment souscrire une déclaration de reconnaissance de la nationalité française, entre 1962 et 1967, pourrait faire l’objet de discussions. Là encore, on pourrait élargir la réflexion en creusant la question de l’influence de la guerre sur le rapport à la nationalité des anciens sujets coloniaux, pour l’Algérie ou d’autres territoires africains (Sayad, 1979 ; Mann, 2006). D’autres cas, moins étudiés mais tout aussi intéressants, pourraient être proposés comme contributions au colloque, notamment celui des populations originaires d’Indochine où la Guerre a pesé très différemment sur le droit de la nationalité qui en a découlé.
La Guerre froide peut enfin être intégrée à cette réflexion à plusieurs titres. Dès les premières années de son déclenchement, elle conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures ciblées à l’encontre des militants communistes issus des pays de l’Est, réactivant une politique de déchéance de la nationalité française au tout début des années 1950 (Spire, 2005). D’une manière plus générale, les contributions visant à réfléchir aux conséquences de la Guerre froide sur le rapport à la nationalité des populations issues de l’un ou l’autre camp seront les bienvenues. Ce type d’interrogation peut d’ailleurs être prolongé jusqu’à l’effondrement du Bloc de l’Est en 1991."

Nous attendons des communications qu’elles s’attachent à explorer, loin des figures convenues de la seule guerre interétatique, l’écheveau complexe des relations entre guerres et nationalités, dans une acception large du phénomène guerrier, saisi dans la diversité de ses formes (guerre entre armée, guerre de partisans, guerre coloniale, guerre civile, guerre urbaine etc.).

Ce colloque se veut pluridisciplinaire, transversal et international. Nous aimerions y susciter les regards croisés d’historiens, de sociologues, de juristes, d’historiens du droit, de politistes etc., ainsi que la comparaison de différents pays, l’étude des relations bilatérales entre États et à une échelle différente, celle de groupes et de trajectoires individuelles et familiales. Les propositions de communication sur tous les espaces nationaux ou sur des circulations à plus large échelle sont bienvenues. De même, à côté des perspectives d’histoire sociale, d’histoire politique ou d’histoire des relations internationales, les approches anthropologiques (par exemple sur les formes de l’engagement, les mises en récit a posteriori), sociologiques ou plus globales, associant les réagencements des rapports de force à grande échelle, seront appréciées.

Comité scientifique
Marianne Amar (Musée national de l’histoire de l’immigration)
, Archives nationales (Céline Delétang, Cyprien Henry, Annie Poinsot, Marion Veyssière) Jean-François Chanet (Sciences Po Paris)
, Herrick Chapman (Université de New York), 
Quentin Deluermoz (Université Paris 13), 
Laurent Dornel (Université de Pau), 
Caroline Douki (Université Paris 8)
, Dieter Gosewinkel (Université libre de Berlin)
, Catherine Gousseff (CNRS)
, Eric Jennings (Université de Toronto), 
Dzovinar Kevonian (Université Paris 10)
, Stefan Martens (Institut historique allemand)
, Lucy Riall (Institut européen universitaire de Florence)
, Philippe Rygiel (Université Paris 10)
, Alexis Spire (CNRS)
, Sylvie Thénault (CNRS)
, Patrick Weil (CNRS), 
Claire Zalc (CNRS).

Information diffusée par Laurent DORNEL
Maître de conférences en histoire contemporaine
Université de Pau et des Pays de l’Adour
Avenue du Doyen Poplawski (BP 1160)
64013 Pau
bureau 209 - 33 (0)5 59 40 73 37
mob : 33 (0)6 86 96 04 29