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Vient de paraître L’Algérie et la France. Deux siècles d’histoire croisée de Gilbert Meynier (Bibliothèque de l’IReMMO) chez L’Harmattan

Le 3 novembre 2017 à 15h08

Vient de paraître L’Algérie et la France. Deux siècles d’histoire croisée de Gilbert Meynier, "Bibliothèque de l’IReMMO" (n° 28), L’Harmattan, 2017, 102 p. ISBN : 978-2-343-12558-9 Prix : 12 €.

N.B. : Ce livre paru le 4 septembre 2017 correspond à la version revue et augmentée (grâce aux conseils avisés de son ami Pierre Sorlin) de l’article de Gilbert Meynier « L’Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico-historiographique »

, paru dans la revue du CRASC d’Oran Insaniyat (n° 65-66, juillet-décembre 2014).
La revue Insaniyat, créée en 1997, est accessible en ligne gratuitement et intégralement.


"Avec en arrière-plan la cruelle conquête de l’Algérie, puis la dépossession des meilleures terres, la dévalorisation de l’enseignement et de la culture arabes, corrélée avec une scolarisation en français de faible ampleur, la tradition historique coloniale française a fabriqué une Algérie conforme à ses mythes ; cela malgré la résistance, ostensible ou cachée, du peuple algérien : l’Algérie devint une pièce du roman national français sur fond de fantasmes d’ethnicisme racialiste.
Le système colonial eut la forme d’une sinusoïde entre militaire et politique - il y eut des politiques coloniales diverses. Ceci dit, les « occasions manquées » furent un mythe : une occasion ne peut être manquée que si elle est tentée ; or… C’est pourquoi cet article se réfère, aussi, à des historiens algériens, écrivant en français ou en arabe. De 1830 à 1962, régna la loi des armes, entre périodes d’accalmie et explosions jusque, in fine, au paroxysme sanglant [trop rhétorique ?] de la guerre de libération de 1954-1962. Paradoxe : ce fut le politique qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962, suite aux négociations et aux accords d’Évian (18 mars 1962).
Ceci dit, l’historien doit prendre en compte le « temps long » (Fernand Braudel). Ce Maghrib al-awsaṭ qui deviendrait l’Algérie a durablement oscillé entre la segmentation de la société et les tentatives d’emprises étatiques ; avec pour fond, notamment, des récurrences culturelles à ancrages méditerranéens. Or, dans cette mer médiane (al baḥr al-mutawassiṭ), qui était au Moyen-Âge un quasi-lac musulman, les Islamo-Arabes furent marginalisés, d’abord par Gênes et Venise, puis, à partir du contournement du Cap de Bonne Espérance par les Portugais en 1488, par les flottes européennes qui détournèrent le commerce Asie-Europe par les océans Indien et Atlantique, au détriment de la voie terrestre persane et arabe et de la Méditerranée qui s’appauvrirent. D’où la « course barbaresque » compensatoire, dont Alger fut le pivot près de trois siècles durant, jusqu’à l’intervention de la flotte anglo-hollandaise qui bombarda Alger en 1816. Ce fut l’affaiblissement irrémédiable de l’Algérie corsaire : ces antécédents éclairent les raisons de fond du débarquement français à Sidi Fredj en juin 1830.
La domination coloniale fut fondée sur la brutalité, mais non sans un entrelacement progressif entre Français et « indigènes », quelque traumatique qu’il ait été. L’identité algérienne n’est pas à source unique, elle est, comme toute identité, une identification à paramètres divers. Elle est inséparable de la colonisation française, ce qui est bien moins le cas pour la Tunisie et surtout le Maroc. Et le mouvement national algérien eut pour creuset originel les Algériens émigrés en France où fut fondée l’Étoile Nord-Africaine (ÉNA) en mars 1926. Le parti nationaliste algérien ne fut implanté en Algérie qu’en 1937 – il fut dénommé le Parti du Peuple Algérien (PPA), puis, en 1946, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD).
Il y eut chez nombre d’Algériens, à la fois séduction pour des valeurs dites françaises - mais constamment violées par le pouvoir français pour asseoir son pouvoir -, et le refuge vu comme identitaire dans l’islamo-arabité : d’où un regard, à la fois fixé vers l’Est - sur le Shām, sur l’Égypte, La Mecque -, et, vers le Nord -sur la France ; et une ambivalence, voire un torticolis identitaire - mais l’entrelacement historique avec l’Algérie a aussi profondément marqué la France, ne serait-ce que par l’implantation dans l’hexagone de millions de personnes originaires d’Algérie.
Les historiens - ils ont, aujourd’hui, déjà bien évolué - se doivent de s’élever au-dessus des mythes des deux côtés de la Méditerranée. J’appelle entre autres de mes vœux la mise sur pied d’un manuel d’histoire algéro-français, avec pour exemple les deux volumes du manuel d’histoire franco-allemand, parus en 2006 et 2008 : il faut encourager les humains des deux sociétés à échanger, à réfléchir, à se connaître, à vivre en harmonie. Si cela plaît aux deux peuples, et aussi, bien sûr, aux deux États - espérons qu’il ne s’agit là pas d’un vœu pieux…"





Gilbert Meynier est un historien français né en 1942 à Lyon. Il est actuellement professeur émérite à l’université Nancy II depuis 2002. C’est un spécialiste de l’histoire de l’Algérie.

Merci à Gilbert Meynier d’avoir signalé cette utile et importante publication, et d’avoir fourni "le cahier attaché des cartes et photos qui illustrent le livre". <br /<
Article mis en ligne le 25 septembre 2017 et mis à jour le 3 novembre 2017, grâce aux précieux messages de Natacha Coquery et de Gilbert Meynier